La cour des aides et ses compétences
La cour des aides, compétente en matière de finances extraordinaires, juge le contentieux fiscal en dernier ressort. Elle découle de l'apparition des impôts au XIVe siècle.
La juridiction tire son origine des généraux des finances (qui sont huit sous Charles VI). Quatre d'entre eux sont chargés de l'administration fiscale, tandis que les quatre autres (appelés généraux sur le fait de la justice des aides) jugent le contentieux des impositions en dernier ressort. Ce tribunal est attesté à Paris à l'extrême fin du XIVe siècle et n'est constitué en cour souveraine qu'en 1454 par Louis XI. Le développement du contentieux fiscal nécessite rapidement au XVe siècle la création d'autres cours dans les provinces du royaume.
Les cours des aides connaissent alors de toutes les affaires relatives aux impôts d'ancienne création (taille, gabelle, aides, traites) et aux droits d'octroi perçus à l'entrée des villes. Elles jugent les appels interjetés des jugements de juridictions fiscales de première instance. Elles connaissent également en premier et dernier ressort des causes touchant les contrats des fermiers, des traitants et des munitionnaires, des crimes de contrebande et des abus des agents des fermes. Les litiges concernant les privilèges d'exonération fiscale leur sont aussi soumis. Enfin, les cours des aides vérifient les lettres patentes à caractère fiscal et financier (notamment les lettres d'anoblissement entraînant exemption de taille).
La chambre des comptes et ses compétences
Issue comme le Parlement de la curia regis, dont elle constitue la section financière, la Chambre des comptes est organisée à Paris en cour souveraine en 1320. A partir du XVe siècle, d'autres chambres apparaissent et se multiplient dans les provinces, comme les parlements et suivant le même processus (souvent par transformation d'une cour princière ou seigneuriale en cour royale).
Les chambres des comptes, compétentes en matière de finances ordinaires, ont deux types d'attributions : le contrôle de la comptabilité publique et la conservation du domaine royal.
Elles vérifient ainsi a posteriori les comptes et les pièces justificatives de ceux-ci qui lui sont obligatoirement remis chaque année par les comptables en fin d'exercice. Elles engagent des poursuites contre ceux qui se rendent coupables de malversations et conservent les comptes dans leurs archives.
Elles veillent aussi à la conservation du domaine, enregistrant les actes relatifs à la consistance de celui-ci et à ses revenus (aliénations, donations, concessions d'apanages, échanges). En cas d'échanges, elles enquêtent pour vérifier que le roi n'est pas lésé et que ses droits sont préservés. Les chambres des comptes conservent les titres, chartes et autres documents (censiers, terriers) prouvant les droits du souverain. Elles reçoivent les fois et hommages, aveux et dénombrements par lesquels ses vassaux reconnaissent leurs liens de dépendance féodale. Ces diverses compétences sont réduites par la création en 1577 des bureaux des finances.
La cour des comptes, aides et finances de Montpellier
La cour des comptes, aides et finances de Montpellier est créée par un édit royal du mois de juillet 1629 donné à Nîmes par Louis XIII. Le monarque, ce faisant, réunit en une seule, deux institutions financières de la province de Languedoc qui se sont fixées à Montpellier au cours des XVe et XVIe siècles. Il s'agit, d'une part, de la cour des aides, fondée par Charles VII en 1437 pour la province de Languedoc, et d'autre part de la chambre des comptes qui est établie à Montpellier en mars 1523
La cour des aides est créée en Languedoc le 20 avril 1437 par le roi de France Charles VII. Son ressort comprend le Languedoc, le Rouergue, le Quercy et une partie de la Guyenne. Louis XI la fixe à Montpellier en 1467. L'hostilité du Parlement de Toulouse et la méfiance des États de Languedoc font supprimer la Cour de Montpellier en 1484 ; elle est cependant rétablie en 1486 et fonctionne jusqu'en 1577. La peste et les Guerres de Religion l'obligent à se déplacer une douzaine de fois pendant trois ans. Elle se fixe définitivement à Montpellier en 1581.
Dès le XVe siècle, la chambre des comptes de Paris envoie régulièrement en Languedoc des commissaires chargés d'examiner certains comptes. Une chambre des comptes est créée à Montpellier par édit de mars 1523 (nouveau style), mais l'examen d'une partie des comptes de la province relève pendant quelque temps encore de la compétence de la chambre des comptes de Paris.
Au moment où Louis XIII prononce l'union des deux cours, il a depuis peu promulgué l'édit de pacification d'Alès, repris quelques jours auparavant seulement à Nîmes par un autre édit, qui pardonne aux réformés qui se sont rebellés contre lui.
Si le roi assure, dans son préambule, unir les deux cours de finances du Languedoc en une seule dans un souci de justice, d'équité et de rendement, on ne peut s'empêcher de penser que les motifs politiques jouent un rôle essentiel dans sa décision. Le Languedoc était miné en effet depuis de nombreuses années par une intense guerre civile. Les grands corps de la région entraient souvent, ouvertement, en rébellion contre le pouvoir central, que ce soit les États de Languedoc qui s'élevaient avec violence contre la lourdeur des impôts et parfois même la politique royale, ou le parlement de Toulouse qui, cour souveraine, ne se faisait pas faute d'utiliser son droit de remontrance à l'enregistrement de chaque édit qui lui déplaisait. Pourquoi avoir choisi Montpellier comme lieu de résidence de la nouvelle cour souveraine ? Parce que les deux cours de finances dont elle est issue ont fini par s'y établir ? Mais Louis XIII a-t-il déjà oublié qu'à peine sept ans auparavant il a investi la ville, bastion huguenot qui ne s'est rendue qu'après une longue résistance ? En fait, il semble, que ce faisant il continue simplement la politique de ses deux prédécesseurs immédiats, Henri III et Henri IV, qui ont toujours été très favorables à la cour des aides, ainsi qu'à la chambre des comptes, et leur ont donné des droits et des compétences non négligeables qu'ils ont, par ailleurs, enlevés à d'autres cours ou organismes plus forts. Ne peut-on donc pas penser que le monarque, qui voulait à toute force rétablir la paix dans la région et y retrouver une certaine autorité, ait essayé de "diviser pour régner" ?
Il est certain, en tout cas, que la création de cette cour des comptes, aides et finances, cour souveraine, très fière de ses attributions et de ses privilèges (qu'elle ne va avoir de cesse d'augmenter et d'élargir), entérine définitivement la conception d'un Languedoc bicéphale. Il existe désormais, d'une part, le Haut-Languedoc avec Toulouse et son parlement, et de l'autre, le Bas-Languedoc avec Montpellier et la cour des comptes, aides et finances, ainsi que le gouverneur. Dans les deux villes, les deux cours souveraines, ennemies jurées, entendent bien enregistrer chacune tous les édits royaux et lettres patentes et vérifier si cet enregistrement peut bien avoir lieu. Combien d'actes sont ainsi enregistrés deux fois, la première au parlement, l'autre à la cour des comptes ! Les séries de registres qui nous sont parvenues étant, dans les deux cas, lacunaires, il est bon pour le chercheur de ne jamais l'oublier.
Malheureusement pour elle, cette nouvelle cour souveraine, fière de ses attributions et capable dans bien des cas de gagner ses conflits avec les États de Languedoc doit dès la fin du siècle voir diminuer sa puissance avec l'installation définitive d'un intendant de police, justice et finances à Montpellier. Deux "institutions" financières se font désormais face à face : la cour avec ses privilèges, et l'intendant, commissaire député par le roi avec tous les pouvoirs, même en matière financière. Dès lors, c'est un peu la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Les conseillers, maîtres de leurs offices, voient ces derniers se vider peu à peu de leur substance, suivant le schéma bien connu de l'évolution des institutions sous l'Ancien Régime, tandis que les pouvoirs de l'intendant grandissent dans toutes les matières.
La cour des aides est supprimée dès novembre 1790, la chambre des comptes lui survit jusqu'au 19 septembre 1791.